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La chute des valeurs bancaires européennes durant le premier trimestre 2016 a remis la question des prêts non-performants (NPL pour non-performing loans) sur le devant de la scène. Les banques, dont le bilan est plombé par ces prêts, sont devenues de facto elles-mêmes sous-performantes. L'obligation de devoir constituer des provisions a eu un impact négatif sur leur profitabilité, réduisant la marge opérationnelle nette. De plus, les besoins en capitaux pour ces banques sont devenus plus importants que pour celles dont les bilans sont sains. Enfin, les banques avec un ratio élevé de créances douteuses n'ont pas les faveurs des investisseurs, peu enclins à refinancer ces institutions dans l'environnement actuel. Pourtant, la résolution de ce problème reste essentielle pour assurer le mécanisme de transmission de la politique monétaire à l'économie réelle, avec les banques étant les principaux acteurs.
L'Italie, dont la croissance annuelle de prêts non-performants avoisine encore les 15% selon les dernières estimations, se retrouve sous le feu des projecteurs. Avec un montant de NPL s'élevant à EUR340mia, dont EUR100mia de prêts dit sofferenze (ou autrement dit en défaut), les banques se retrouvent boudées par le marché, le système bancaire italien a perdu de son attractivité. Contrairement à l'Irlande ou encore l'Espagne, l'Italie a tardé à prendre les mesures efficaces afin de réduire les encours de prêts douteux.
Le pays a néanmoins apporté un début de solution cette année à travers GACS (Garanzia Cartolarizzazione Sofferenze), un mécanisme de titrisation se basant sur des garanties de l’état pour le paiement du principal et des intérêts des tranches senior de NPL titrisés. L’idée derrière GACS était de répliquer le fonctionnement d’une bad bank. Or, le système mis en place apparait trop complexe et peu incitatif pour les petites banques. L’Italie a ensuite annoncé une seconde mesure, cette fois sous la forme d’un fonds, Atlante, dont le mandat est de participer à la recapitalisation ainsi qu'au rachat de prêts non-performants des banques.
Atlante est un fonds d’EUR 4.25mia dont les investisseurs sont des institutions italiennes et étrangères. Le fonds a une durée de vie de 5 ans, extensible de trois ans et est géré par Quaestio Capital. Le capital devra être déployé pendant les 18 premiers mois, quasiment aucun levier n’est autorisé (110% selon le prospectus) et le fonds prévoit un retour sur investissement de 6%. Jusqu’à 70% des actifs pourront être investi dans des recapitalisations bancaires tandis qu’au moins 30% du capital sera investi dans des tranches junior de NPL.
Du point de vue de la surface financière à disposition, il apparaît déjà clairement qu’Atlante ne sera pas suffisant pour avoir un impact significatif sur un marché de NPL estimé à 340mia. Néanmoins, cette initiative amène des bénéfices ancillaires non négligeables, permettant probablement à des acteurs institutionnels de regarder l’Italie comme une opportunité d’investissement intéressante. En effet, les garanties apportées à travers GACS seront encore valables lorsque Atlante aura terminé de déployer son capital.
GACS et Atlante seuls ne sauraient être une solution crédible sans une réforme en profondeur des procédures judiciaires en place dans le pays. En effet, les rendements espérés sur des portefeuilles de NPL sont fonction de l'efficacité du système judiciaire ainsi que des tribunaux, le taux de recouvrement d'une créance dépendant, entre autres, de la rapidité du système juridique à traiter la requête du créancier. Dans cette optique, l'Italie a mis en place une série de réformes judiciaires allant dans la bonne direction. Le pays a notamment octroyé plus de pouvoir aux créanciers majoritaires, empêchant ainsi les créanciers minoritaires de bloquer des propositions de restructurations. Il a également procédé en parallèle à une refonte du système judiciaire visant à alléger les tribunaux et accélérer les procédures. Le traitement fiscal des provisions pour créances douteuses a lui aussi été modifié afin d’inciter les banques à ajuster à la baisse la valorisation des prêts non-performants.
Si le marché espagnol des prêts non-performants est aussi dynamique et liquide aujourd’hui, c’est en partie parce que le gouvernement a su prendre les bonnes mesures pour rendre ce marché attractif pour des investisseurs institutionnels. Evidemment, le fait que bon nombre de ces prêts soient adossés à des actifs immobiliers ainsi qu’à des projets de développement a participé à créer l’attrait que l’on connait. Dans le cas de l’Italie, Atlante, que ce soit par sa taille ou sa structure, ne permettra pas de résoudre le problème de prêts non-performant. Toutefois, associé aux réformes judicaires et au mécanisme de titrisation, il pourra potentiellement changer la perception des investisseurs institutionnels sur les NPL italiens.