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L’événement macro-économique majeur pour l’Asie sera Donald Trump cette année. Des rotations significatives des marchés ont déjà eu lieu depuis son élection, notamment à travers les ventes massives des acteurs asiatiques. Vérifions si ces inquiétudes sont fondées.
La première inquiétude du continent asiatique concerne le discours antimondialiste de Donald Trump et sa volonté d’augmenter la taxation des importations en provenance de la Chine notamment. La croissance asiatique ayant été nourrie par le commerce international, une fermeture des frontières américaines affectera considérablement le dynamisme de la région. Avec la menace de guerre commerciale qui pèse actuellement, il est préférable de rester prudent vis-à-vis des investissements liés au commerce et aux exportations.
La mort du partenariat transpacifique (TPP) est symptomatique de la vague antilibéraliste qui déferle sur l’Occident. Cette tendance n’est cependant pas visible en Asie, où les dirigeants concentrent leurs efforts sur un autre accord commercial, le partenariat économique régional global (RCEP), qui concerne les dix nations de l’Asie du Sud-Est ainsi que la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La perte du marché américain est considérable, mais les pays du RCEP réunissent plus de 3 milliards d’individus et affichent un PIB cumulé de près de 30% du total mondial. Par conséquent, le renforcement du libre-échange interrégional, porté par une classe moyenne asiatique croissante, pourrait compenser le manque à gagner découlant de la politique de Donald Trump.
La deuxième question qui préoccupe l’Asie est de savoir si les États-Unis maintiendront leur présence militaire dans la région. Dans son discours de campagne, Donald Trump insistait sur le fait que les autres nations devaient participer au financement des bases militaires américaines à l’étranger. Le retrait des troupes américaines pourrait déstabiliser la région et créer un vide sécuritaire qui favoriserait l’émergence de risques géopolitiques, en particulier au vu des tensions actuelles en mer de Chine méridionale. Notons que le budget de la Défense a été renforcé dans un grand nombre de pays d’Asie-Pacifique, une démarche inquiétante qui augmente a fortiori le risque d’un conflit armé.
En réalité, un repli militaire américain pourrait faire le jeu de la Chine qui semble plus que prête à combler l’absence de «Big Brother». Les récentes initiatives de la Chine (projet «One Belt, One Road» et création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures - AIIB) ont renforcé son engagement dans divers projets d’infrastructure à travers l’Asie. Elles s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à accroître l’influence politique et économique du géant dans la région. Citons, entre autres, les récentes visites des dirigeants philippin et malaisien à Pékin qui ont donné lieu à des programmes d’investissement considérables.
Le dollar américain, qui s’est redressé depuis la victoire de Donald Trump, pourrait continuer à s’apprécier si les politiques de relance du nouveau président aboutissent, faisant pression sur la Fed pour augmenter les taux plus vite que prévu. Certaines monnaies asiatiques, comme le ringgit malaisien ou la roupie indonésienne qui affichaient de belles progressions au cours des trois premiers trimestres 2016, ont subi des ventes massives. La devise chinoise (RMB), qui a été soumise à des pressions principalement en raison de la vigueur du dollar, est restée stable par rapport au panier de devises diversifié du CFETS (China Foreign Exchange Trade System).
Bonne nouvelle pour la Chine: le renforcement du dollar américain devrait avoir une limite puisqu’un dollar fort n’est pas vraiment dans l’intérêt des États-Unis. Un dollar plus faible est, sans conteste, préférable si Donald Trump maintient sa volonté de créer des emplois industriels dans les États de la Rust Belt qui l’ont soutenu avec ferveur.
Considérons la performance depuis le début de l’année et les valorisations actuelles de différents marchés d’Asie. Malgré la volatilité générale, les marchés d’Asie du Sud-Est sont restés en tête en 2016. La Thaïlande, l’Indonésie et le Vietnam ont enregistré les meilleures performances de la région, tandis que seul Taïwan s’est distingué dans le nord de l’Asie. Si l’on regarde vers l’avenir, le nord de l’Asie sera toujours confronté à des difficultés, car la région repose majoritairement sur la chaîne de production mondiale et est, par conséquent, menacée par le mouvement antimondialiste.
Les pays les moins développés d’Asie du Sud-Est pourraient, quant à eux, continuer à surperformer en 2017 grâce aux investissements directs étrangers qu’ils reçoivent. Malgré la mort du TPP, le Vietnam attire toujours les investisseurs, en particulier depuis que le gouvernement entend privatiser les entreprises publiques. En effet, à l’instar de Sabeco, le premier brasseur du pays, récemment coté, une longue série d’introductions en Bourse devrait suivre. Depuis la prise de fonction du président Duterte, le marché boursier philippin a enregistré une chute substantielle, marquée par la vente des investissements étrangers. Les valorisations semblent désormais beaucoup plus raisonnables. La croissance du PIB devrait atteindre 6% au Vietnam et aux Philippines en 2017, soit parmi les plus rapides du continent asiatique.
L’Inde figure également parmi les grands favoris de 2017. Le marché boursier indien a été récemment touché par la politique de démonétisation inattendue du Premier ministre Modi, entraînant le retrait des billets de 500 et 1000 roupies en circulation. Cette décision a provoqué une crise de liquidité et aura certainement des retombées économiques au cours des prochains trimestres en raison du ralentissement de l’activité. S’il est probable que les bénéfices des entreprises se redressent temporairement, la vague de ventes massives offre son lot de possibilités d’achat. L’un des avantages de l’Inde est qu’elle tend à être largement indépendante des autres marchés asiatiques, s’appuyant davantage sur sa croissance intérieure que sur les exportations. Des signes indiquent également que les réformes de Narendra Modi commencent à gagner en popularité. La mise en œuvre de la taxe sur les biens et services (GST) en avril 2017, aura notamment une portée considérable et améliorera la compétitivité des entreprises.
Le marché boursier du Japon qui a profité de la forte chute du yen a été l’un des principaux bénéficiaires de la victoire de Donald Trump. Cette tendance pourrait se poursuivre en 2017, entraînant des écarts de taux d’intérêt plus importants. Par ailleurs, le Japon ne semble pas faire l’objet de mesures protectionnistes de la part du nouveau président américain. Les valorisations du Japon paraissent toujours raisonnables, avec une hausse potentielle des bénéfices puisque la dépréciation du yen commencera à porter ses fruits l’année prochaine.
Le 28 janvier marquera le début de l’année du Coq. Espérons que le volatile chantera victoire en 2017, au moins dans certaines parties de l’Asie.