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Actualités

31/12/2015
Hedge funds et caisses de pension: vers une réconciliation? Opinion de Nicolas Roth

Depuis que les économies développées ont adopté une politique monétaire de taux zéro, les gestionnaires de caisse de pension ont dû revoir leur copie quant à leur façon d’investir afin d’assurer les paiements des rentes. La Suisse est un cas particulier puisque la BNS a également introduit des charges négatives sur les dépôts. Cet environnement fait-t-il la part-belle aux hedge funds ? Quelles stratégies sortiront gagnantes de ce tumulte?

Le monde des caisses de pensions suisses continue de subir de plein fouet l’effet du tremblement de terre du 15 janvier. Suite à l’abandon du taux plancher de la monnaie helvétique contre l’euro, les actions suisses ont plongé,   tout comme  les investissements en devise étrangère non couverts. Mais les dégâts ne se sont pas arrêtés là. En effet,  la Banque Nationale Suisse a entrepris d’introduire des charges négatives sur les dépôts en francs afin de réduire son attractivité. Les caisses de pensions ont bien  tenté d’obtenir une  exonération sur ces charges, mais cette  demande a été refusée par la BNS. Dans ce contexte, les gestionnaires de ces fonds de pension se sont retrouvés au pied du mur quant à leur allocation en cash et en obligations, contraints de fait à repenser leurs investissements.

Il est  encore un peu prématuré pour avoir suffisamment de données pour savoir avec certitude quels ont été les grands mouvements des fonds de pensions, toutefois certaines caisses de pensions ont annoncé opérer des changements significatifs. A ce jour, Axa Winterthur a annoncé avoir vendu une partie de ses obligations de la Confédération au profit de hedge funds ainsi que des investissements immobiliers. La caisse de pension de la ville de Lucerne a également indiqué avoir vendu ses obligations au profit d’investissements immobiliers.

Côté performance, 2015 ne marquera probablement pas les annales par de brillants résultats. Le ralentissement de la Chine et les problèmes rencontrés sur les marchés émergents vont certainement impacter négativement les performances. UBS a récemment publié son Baromètre des caisses de pension pour le mois d’Octobre 2015, affichant une performance moyenne sur l’année en cours de 1.11%, toute taille confondue. Le solide rebond des marchés actions sur octobre a fortement contribué à ramener les performances en territoire positif.

Du côté des stratégies alternatives et plus précisément des hedge funds, ce n’est pas exactement une grande histoire d’amour avec les caisses de pension. La faute principalement à la crise du 2008, ou plutôt aux problèmes de liquidité qui ont surgi à la suite de cette crise. Un grand nombre de fonds de pensions avaient déployé du capital dans des stratégies alternatives dont l’adéquation entre la liquidité des actifs et des passifs n’était pas respectée. La leçon a été douloureuse, toutefois les dernières données disponibles tendent à démontrer que les fonds de pension ont augmenté leur allocation dans les stratégies alternatives plus liquides, notamment à travers une utilisation plus intensive des fonds UCITS.

Par ailleurs, l’éternel débat sur les frais que chargent les hedge funds est remis sur le devant de la scène via la révision de la loi OPP2 et notamment sur la transparence imposée aux caisses de pension quant au TER (total expense ratio). Pour rappel, les frais se décomposent habituellement en frais de gestion de 2% et frais de performance de 20%. On peut craindre que la nouvelle loi pousse un certain nombre de fonds de pension à investir uniquement dans des fonds alternatifs offrant des frais plus faibles que le classique « 2 et 20 » alors qu’il n’existe aucun lien entre frais et performance. Or, les fonds offrant des frais plus faibles sont bien souvent les stratégies avec le plus haute corrélation au marché action, gestion à cheval entre le long only et l’alternatif. A l’inverse, les gérants les plus sophistiqués, offrant le plus de valeur et de décorrélation sur le long terme, n’ont guère adapté leur tarification. Le fait de disposer de capital de long terme comme les caisses de pension devrait permettre une allocation en hedge funds vers des fonds dont la stratégie investissement se concentre sur des primes de risque réellement alternatives dont la réplication via des instruments liquides n’est pas possible.

Au-delà des considérations de liquidité et de frais, la question du rôle des stratégies alternatives dans une allocation de fonds de pension mérite une attention particulière, notamment à l’aube d’une remontée des taux d’intérêts aux Etats-Unis. L’approche classique de considérer les hedge funds comme une classe d’actifs traduit une simplification excessive qui ne tient pas compte des différences à la fois entre et au sein des stratégies. Le rôle de chaque fonds est non seulement conditionnel à sa stratégie, mais également au style de gestion. Une connaissance approfondie des stratégies alternatives, un audit méticuleux ainsi qu’une compréhension du style de gestion permettront de saisir le rôle d’une allocation hedge fund pour une caisse de pension. La stratégie equity long-short est certainement un bon exemple. Un fonds dont l’exposition nette est très stable et au-dessus de 50% aura tendance à délivrer des performances plus proches de son marché de référence qu’un autre fonds dont l’exposition oscille entre 0% et 50% au gré du gestionnaire. Bien que ces deux fonds affichent la même stratégie sur le papier, le profil de risque sera différent tout comme son rôle au sein d’un portefeuille.

Dans les mois à venir, il est fort probable que les marchés financiers se montreront plus volatiles que durant les trois dernières années, à l’image de ce second semestre. Dans ce contexte, le choix des stratégies sera le facteur décisif pour l’allocation alternative des fonds de pension. Puisque la poche actions fait office de moteur directionnel, la partie hedge funds devrait idéalement se concentrer sur des stratégies d’arbitrages et des stratégies de relative value capables de générer des rendements stables ainsi que d’extraire des primes de risques décorrélées aux actifs traditionnels. Le cycle économique ainsi que le cycle de marché vont tendre à devenir plus favorable grâce à cette fameuse divergence de politique monétaire entre Etats-Unis et Europe. Les stratégies directionnelles qui ont bien fonctionné en étant essentiellement « long risque » vont très certainement subir une période de flottement dans un environnement plus volatile.

Il est difficile de prévoir si les caisses de pension vont augmenter significativement leur allocation aux stratégies alternatives à l’avenir. Toutefois, si elles décident de le faire, l'application de quelques règles pourrait leur éviter certains écueils. Tout d'abord, une allocation hedge fund devrait avoir un rôle précis dans un portefeuille, qui plus est dans celui d’une caisse de pension. La vocation de la poche alternative devrait être de réduire la volatilité du portefeuille et être composée de fonds capables d’ajuster le risque rapidement. Deuxièmement, la relation entre liquidité et performance n’est pas à négliger. Plus un fonds est liquide, plus il est probable que son profil de risque soit similaire aux marchés. Un certain nombre de gérants offrent des stratégies dont les profils convexes sont parfaitement adaptés aux fonds de pensions, notamment certains gérants de fonds d’arbitrage de volatilité cross-asset oud’autres stratégies de relative value. Finalement, la question des frais devrait être secondaire car la performance sur le long terme n'est pas déterminée par le niveau des commissions de gestion mais bien par les primes de risques que le gérant de hedge fund essaie de capturer.