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François Reyl, Directeur de la Banque REYL & Cie, a répondu aux questions du Magazine Trajectoire dans une interview exclusive afin de présenter les défis auxquels a du faire face le Groupe Reyl ainsi que les raisons de son succès.
En 2008, vos encours s’élevaient à 1,8 milliards de francs suisses. Aujourd’hui, ils dépassent les 10 milliards. Dans un secteur bancaire pourtant fragilisé, vous affichez depuis plusieurs années d’excellents résultats. Comment expliquez-vous cette réussite ?
A mon sens, la raison principale tient au fait que nous avons su assez tôt faire évoluer notre modèle d’affaires. Dès le début des années 2000, nous avons tenu à diversifier nos activités et à développer de nouveaux axes de croissance au-delà de notre métier historique de gestionnaire de portefeuilles. A l’époque, nous étions partis du constat que le secteur financier était en pleine mutation et que de très belles opportunités se présenteraient aux acteurs capables de faire évoluer leur stratégie. Avec la multiplication des échanges sur un plan global, nous assistons à l’avènement d’une nouvelle génération d’entrepreneurs et d’investisseurs institutionnels internationaux ainsi qu’à la montée en puissance des économies émergentes, plus particulièrement en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. Nous avons donc décidé de faire évoluer la Banque de façon à ce qu’elle puisse s’adapter, et prospérer, dans ce nouvel environnement.
En quoi a consisté cette évolution, dans les grandes lignes ?
Au cours des dix dernières années, notre stratégie de diversification a consisté à mettre sur pied quatre nouveaux pôles d’activité, à savoir l’Asset Management, le Private Office, le Corporate Advisory & Structuring et les Asset Services. Ils nous ont permis de compléter notre offre traditionnelle, de l’enrichir et de générer ainsi une forte valeur ajoutée pour notre clientèle aussi bien privée qu’institutionnelle.
En parallèle, nous avons étendu notre couverture géographique. En plus de Genève, nous avons aujourd’hui une présence réglementée à Paris, à Zurich, à Lugano, au Luxembourg, à Singapour, à Londres, à Hong-Kong et très prochainement à Malte, aux Etats-Unis et dans les Emirats Arabes Unis.
Quelles sont les difficultés les plus marquantes que vous ayez rencontrées au cours de toutes ces années ?
J’ai plutôt le souvenir d’une multitude de défis stratégiques, réglementaires, organisationnels, commerciaux et autres qu’il nous a fallu relever les uns après les autres, au fil du temps, à force d’opiniâtreté et de patience.
Quel est alors le chantier qui vous a paru le compliqué ?
A l’usage, l’exercice le plus fastidieux, le plus délicat est très certainement de structurer l’entreprise pour qu’elle puisse porter la stratégie définie et remplir les objectifs fixés, de préférence sur le long terme. Il faut la rendre la plus affutée et la plus flexible possible. C’est un travail éprouvant, car constitué de très nombreuses facettes. Il faut pouvoir se projeter sur la longue durée et, en même temps, procéder à de très nombreux ajustements au jour le jour, ce qui demande une bonne dose de souplesse. A plus forte raison dans un secteur bancaire engagé dans une phase de profonde mutation.
Quelle est votre plus grande satisfaction ?
Ce qui nous réjouit peut-être le plus, mon père et moi-même, c’est d’avoir pu rassembler et fédérer une très belle équipe autour de notre projet d’entreprise. Il y a dix ans, nous étions une vingtaine de personnes. Aujourd’hui, le Groupe approche les 200 collaborateurs, qui accomplissent collectivement un formidable travail et à qui revient l’essentiel du mérite de notre forte progression dans une période pourtant compliquée pour notre industrie. Je suis aussi très fier de la confiance que nous accordent nos clients. Ils nous ont toujours témoigné une grande fidélité, malgré les fortes turbulences qui ont pu agiter les marchés financiers ces dernières années.
L’affaire Cahuzac a-t-elle entravé d’une quelconque façon vos développements ?
L’affaire que vous mentionnez, qui a donné lieu à toutes les élucubrations, nous a fait prendre conscience de la nécessité absolue de demeurer alertes en toutes circonstances. Nous nous serions bien entendu passés de la publicité que ce dossier a pu engendrer. Mais nous avons ainsi pu constater la loyauté de nos collaborateurs, de nos clients et de nos contreparties, ainsi que la robustesse de notre modèle d’affaires. Reyl & Cie a fêté récemment son 40ème anniversaire en réalisant l’un des meilleurs exercices de son histoire. Comme je vous le disais, nous bénéficions aujourd’hui de la diversification que entamée voilà plus de dix ans. Nous avons poursuivi cette stratégie durant les turbulences liées à l’affaire en question, en lançant par exemple en 2012 notre ligne de métier Corporate Advisory & Structuring, qui nous a permis de consolider notre offre et de marquer notre différence.
En quoi vous différenciez-vous justement ?
Au-delà d’une expertise primée et reconnue dans le domaine de l’Asset Management institutionnel, la Banque présente une offre de services globale qui a l’avantage de prendre pleinement en compte la dimension de l’entreprise dans le patrimoine de ses clients. Elle tient autant du Wealth Management que du Corporate Finance. Cette offre s’adresse bien évidemment aux entrepreneurs. Ce sont de formidables créateurs de richesse, mais les banques ont parfois tendance à occulter cet actif essentiel qu’est l’entreprise dans leur offre de gestion. L’entreprise est pourtant le plus souvent la pièce maîtresse du patrimoine et l’outil principal de génération de valeur. D’une manière ou d’une autre, il me parait essentiel d’intégrer cette dimension dans la palette de services, au travers par exemple d’opérations de haut de bilan, de stratégies de financement, d’exercices de valorisation ou de recapitalisation.
Il se trouve que REYL & Cie réunit une équipe forte de ces compétences, qui est en outre parfaitement intégrée au sein de la Banque. C’est un argument auquel nos clients entrepreneurs sont très réceptifs.
Selon vous, comment doivent évoluer aujourd’hui les banques privées en Suisse pour rester compétitives ?
Dans leur ensemble, les banques suisses demeurent concentrées dans le domaine de la gestion de portefeuille, ce qui peut les rendre assez vulnérables à une phase de fort resserrement réglementaire et d’érosion des marges opérationnelles. L’abandon du secret bancaire fiscal oblige le secteur à revoir sa proposition de valeur, à renforcer une offre de produits et de services qui n’est plus suffisante dans l’environnement actuel. Les banques suisses ont cette chance d’évoluer dans un environnement politique, économique et monétaire très favorable. Elles disposent d’un solide marché de proximité et de perspectives intéressantes à l’international. Elles peuvent donc envisager assez sereinement le réajustement de leur modèle.
Quelles sont les prochaines étapes pour le Groupe REYL ?
Suite au lancement en début d’année de notre offre Asset Services et l’ouverture prochaine de nos bureaux à Malte, Dubai et en Californie, nous marquerons une pause dans notre stratégie de diversification horizontale. Le Groupe se concentre désormais sur cinq métiers bien définis, distincts mais complémentaires, centrés autour de notre clientèle institutionnelle et entrepreneuriale. A partir de 2016, nous nous focaliserons nos efforts sur un axe vertical, visant à favoriser les synergies entre nos différents pôles d’activités, en privilégiant une approche et une culture véritablement transversales au sein de l’entreprise.
Si ce n’avait pas été la banque, dans quel secteur auriez-vous aimé entreprendre ?
L’innovation technologique, dans des domaines comme la biotechnologie, m’aurait beaucoup intéressée, mais cela est bien loin de mes domaines de compétence… A l’opposé du spectre, l’édition, l’écriture et le mécénat artistique me passionnent. Je n’exclus pas de m’y exposer un jour !
Quels sont les gens dont le succès peut vous fasciner ?
A quoi mesure-t-on le succès ? Je suis admiratif par exemple du travail que mène le Professeur Michielin, qui estresponsable de la consultation du mélanome au CHUV et chef de l’unité de recherche en oncologie à l’Université de Lausanne. Spécialisé dans l’immunothérapie, qui sollicite les défenses naturelles du corps dansles traitements des cancers, il travaille sur les technologies bioinformatiques qui permettent de créer les composés entrant dans les programmes de prévention ou de traitement. Ce genre d’accomplissement m’impressionne beaucoup et nous sommes très fiers de pouvoir soutenir ses travaux remarquables et tellement utiles.